Frédéric Chopin, qui ne devait au départ qu’y faire un passage, s’installe définitivement à Paris en 1831, ne quittant la France qu’une fois, pour une tournée en Grande-Bretagne. Chopin découvre les pianos Pleyel par l’intermédiaire de Kalkbrenner, associé de Pleyel qui avait pris sous son aile le jeune Polonais à son arrivée à Paris. Dorénavant, Chopin sera un artiste Pleyel, au même titre que Liszt chez Erard. Son premier concert public en 1832, chez Pleyel, rue Cadet, marque les débuts d’un collaboration fructueuse entre Camille Pleyel et Frédéric Chopin, qui ne jouera désormais « jamais d’un autre instrument » (Von Lenz). Si cela n’est pas tout à fait vrai, et que des témoignages montrent que Chopin a touché des Erard, des Boisselot et des Broadwood, ce n’est qu’une exagération légère. Pendant ses leçons, Pleyel, assis à un pianino Pleyel, accompagnait ou corrigeait ses élèves qui disposaient eux d’un piano à queue. Sachant que Chopin était de loin le professeur le plus couru de la haute société parisienne, on imagine l’impact commercial dans les années 1830-1840 de son accord avec Pleyel. Si l’amour de Chopin pour les pianos Pleyel était sans aucun doute réelle, il ne faut pas imaginer une relation entre les deux hommes basée uniquement sur un amour désintéressé de l’art : l’on sait que sur la vente de plusieurs instruments Chopin a pris une commission de 10 %, ce qui représente une somme non- négligeable (imaginez ce que représente 10 % du prix d’un Steinway moderne de concert…). De même, l’amitié entre Pleyel et Chopin existait sans doute, mais avait des fondement économiques bien réels (celle entre Pierre Erard et Liszt paraît par exemple plus « pure »), car en plus de ces histoires de fourniture de pianos et de commissions, Pleyel publiait certaines des compositions de Chopin. Certaines lettres de Chopin démontrent que ses histoires de gros sous venaient parfois pourrir leur amitié : « Des procédés aussi juifs m’étonnent de la part de Pleyel »; « Pleyel est un crétin […] L’imbécile n’a donc confiance ni à moi ni à toi ». Tous les récits contemporains confirment la parfaite adéquation entre le son des Pleyel et le style des compositions et du jeu de Chopin. Chopin adorait les pianos à queue de la marque, et les utilisait en concert ou chez George Sand, mais il importe aussi de noter son goût pour les petits pianinos dont la sonorité délicate et le toucher léger convenaient à son jeu d’un raffinement quasi-féminin, les marteaux effleurant à peine les cordes (Berlioz), bien loin des interprétations de ses compositions données par un certain nombre d’athlètes de concours modernes (bien que Chopin appréciait les interprétations viriles de ses Etudes ou Préludes données par Liszt). On dispose de plusieurs témoignages rapportant de façon indirecte les propos de Chopin, expliquant les raisons de sa préférence pour les pianos Pleyel : leur toucher et leur sonorité permettent de travailler davantage le son, contrairement aux Erard dont la sonorité trop facile est toujours belle. |